Vivre en Chine en pleine pandémie mondiale

Charles est un jeune homme originaire de Québec. Il travaille actuellement à Shanghai en développement stratégique pour une compagnie pharmaceutique. Il a vécu un parcours hors du commun lorsqu’il a décidé de revenir au Canada au début février. Après un séjour à Québec d’environ un mois et demi, il est retourné en Chine pour donner suite à la demande de son employeur. Charles est une connaissance de longue date et j’ai eu le privilège d’avoir une entrevue virtuelle de presque une heure avec lui cette semaine. Il a gentiment accepté de partager avec nous son expérience pandémique.

En Chine, ils ont commencé à entendre parler du virus au début janvier 2020. Le 25 janvier est le début du Nouvel An chinois. À ce moment, environ 500 millions de personnes voyagent pour voir leurs familles. Cette année, tous ces gens sont partis et c’est pendant la durée de ce long congé que tout a été arrêté en Chine. Progressivement, une ville à la fois, en commençant par celle de Wuhan. Tout le monde a été bloqué à l’endroit qu’ils visitaient pendant plus ou moins un mois.



La prévention en Chine pendant la pandémie

Charles m’explique que les Chinois sont sensibilisés à la prévention des maladies dès leur jeune âge. Porter un couvre-visage est accepté et encouragé. Le port du masque est normal. Si certains ne l’utilisent pas, ils peuvent parfois être montrés du doigt. La protection est la responsabilité de tous. Chacun doit contribuer pour le bien-être de leur communauté.
Selon Charles, le télétravail a été instauré après le Nouvel An chinois et cela s’est étiré en longueur. S’apercevant de l’ampleur exponentielle de la pandémie et, devant l’incertitude de l’évolution future de cette crise, ainsi que de l’inquiétude constante de leurs familles respectives, ils ont décidé de revenir au Canada.

Qui diable est Tudou?

Charles et son amie ont un chien, Tudou. Qu’allaient-ils faire avec Tudou? Ils ont rempli les formulaires requis pour le ramener au Canada, mais leur vol d’avion, lié à la demande, fut annulé deux fois. Tous leurs copains étrangers, faisant face à la même situation, quittaient également le pays. Quand on garde un chien, on doit aller le promener et à ce moment, on ne savait pas si le toutou pouvait aussi attraper et propager le coronavirus. Malheureusement, ils ont constaté que plusieurs résidants de la ville avaient abandonné leurs animaux de compagnie, pour ne pas prendre le risque de voir les membres de leur famille tomber malades. Finalement, la propriétaire de leur appartement, qui habite dans le même édifice, a gentiment accepté de s’en occuper jusqu’à leur retour à Shanghai. À ce moment, la date de leur voyage était indéterminée.


En quittant la Chine, ils ont presque tout emmené puisqu’ils n’étaient pas sûrs de pouvoir revenir en Asie. Qu’allait-il advenir de leur vie en Chine? De leur travail ? De leurs amis? C’était une époque de grande incertitude.


Pour le vol de retour vers le Québec, il y a eu deux arrêts, un au Japon et l’autre aux États-Unis. En partant de l’Asie, tout le monde portait des masques pour la prévention comme eux, mais en arrivant à l’aéroport américain, personne n’en avait.

. . .

Cliquez ici pour en lire plus sur Phrenssynnes cogite

. . .

Retour à Québec

De retour à Québec, ils ont observé les consignes du gouvernement canadien en demeurant isolés pendant quatorze jours en résidant au chalet familial. Le frère de Charles, le courageux Louis, est allé leur livrer de la nourriture. Déposant les paquets en face de la porte il s’est ensuite enfui, comme le rapporte Charles en riant.


Ils sont restés environ un mois et demi au Canada. Charles a fait du télétravail à distance pendant tout son séjour. Il a décidé de revenir en Chine, car voulant conserver son emploi dans une période économique très critique, il est retourné seul vers la mi-mars. Sa copine demeure au Québec jusqu’à ce que la situation globale s’améliore.

De nouveau en Chine

Plusieurs vols annulés ou retardés ont rendu leur voyage ardu. Notre aventurier a fait Québec-Montréal, Montréal-Calgary et Calgary-Vancouver pour faire ensuite Vancouver-Shanghai avec de multiples délais d’attente. Le tout a pris environ trente-cinq heures de voyage.

Pandémie en Chine crédit photo c.g. Pandémie en Chine crédit photo c.g.

Les mesures sanitaires en Chine pendant la pandémie

On a confinés les voyageurs trois heures dans l’appareil en arrivant à Shanghai. Après les trente-cinq heures de vol… Ouf! On a pris leur température deux fois dans l’avion et environ six fois avant de ressortir officiellement de l’aéroport. Tous les préposés, bénévoles et employés étaient habillés en blanc avec des gants, des lunettes, des masques et tout l’apparat. Les voyageurs ont quitté l’appareil, un groupe à la fois pour ensuite remplir un long formulaire sur leur provenance, leur itinéraire, leurs symptômes, etc. On validait ce questionnaire à chaque étape: livraison des bagages, douanes. Et, tout cela fait, constamment, par quelqu’un de complètement protégé. Avec toujours une distanciation de deux mètres. Très différent de ce qui se passait dans les aéroports canadiens.

L’avis de Charles

D’après lui, les mesures de préventions instaurées par les autorités chinoises sont exemplaires. Très efficaces et nécessaires en cette période de crise. Avant de sortir du terminal, il a dû aller dans une zone où on le classait selon le district de sa ville. Il a dû attendre que cinq personnes habitant dans le même arrondissement que lui soient regroupées pour embarquer dans un petit autobus.

Shanghai au temps du coronavirus (crédit photo c.g.) Shanghai au temps du coronavirus (crédit photo c.g.)

Charles croyait qu’on allait le reconduire chez lui directement, mais non. On a ajouté le Canada à la liste des pays à risque ce jour-là. On les emmena dans un hôtel à cause de cela.

Il devait y rester pour avoir le test de dépistage et patienter pour le résultat. C’est-à-dire prévoir, encore de deux à trois journées. De grandes bandes de plastiques recouvraient et protégeaient les murs, le plancher et les plafonds à l’intérieur de l’immeuble.

« En arrivant dans ta chambre, tu remercies le volontaire qui t’accompagne depuis ton arrivée en Chine et constate le bon repas qui t’attend : un bol de nouille instantané, une barre chocolatée et une bouteille d’eau! Après 40 heures de déplacement, tu ne peux pas demander mieux »

À la fin de cette journée, on est venu lui prendre un prélèvement dans la gorge et le nez. Charles a eu un résultat négatif environ vingt heures plus tard. Il est donc reparti en autobus avec son même groupe de voisins. Des personnes désignées, toujours en habit de protection, sont allées les reconduire chacun chez eux. Le retour étant possible seulement si ton logement est admissible au confinement. Exemple, s’il avait eu un colocataire ou s’il avait eu à partager une cuisine communautaire, il aurait fallu qu’il reste ailleurs, par exemple, dans un hôtel et cela aux frais du gouvernement. Et tout cela même si son test était négatif.

L'arrivée en Chine (crédit photo c.g.) L’arrivée en Chine (crédit photo c.g.)

L’arrivée En Chine pendant la pandémie

À l’arrivée, on a programmé un code-barres sur son téléphone qu’il doit montrer lorsqu’il se rend dans un endroit public. Ce code-barres peut avoir différentes teintes (rouge, jaune ou vert) selon le risque qu’il représente pour autrui. Par exemple, si un individu a visité Wuhan dernièrement ou a été en contact avec une personne à risque, le code tournerait rouge ou jaune selon la situation. À l’arrivée, on a programmé un code-barres sur son téléphone qu’il doit montrer lorsqu’il se rend dans un endroit public. Ce code-barres peut avoir différentes teintes (rouge, jaune ou vert) selon le risque qu’il représente pour autrui. Par exemple, si un individu a visité Wuhan dernièrement ou a été en contact avec une personne à risque, le code tournerait rouge ou jaune selon la situation. L’accès aux lieux communautaires est interdit si la couleur n’est pas verte.

« De nouveaux préposés, toujours des volontaires, t’attendent chez toi, te font signer un document avisant que tu acceptes les lois et règlements pour ceux et celles en quarantaine pour quatorze jours. Tu es jumelé à un médecin et au gardien de sécurité de ton quartier pouvant t’aider si tu as besoin de commander de l’épicerie. Tout cela sur un réseau social chinois appelé Wechat, qui s’apparente au Facebook que nous connaissons bien au Canada. »

Autre détail, avant de partir les bénévoles ont mis sur sa porte un détecteur de mouvement, s’il ouvre cette « barrière », une alerte est directement envoyée au gouvernement local et le surveillant de sécurité du secteur reçoit également une notification. T’as affaire à rester chez vous!

Prise de température (crédit photo c.g.) Prise de température (crédit photo c.g.)

« Ce n’est pas possible d’ouvrir ta porte, sans aviser, selon la loi. Si tu te fais livrer de la nourriture, tu dois avertir le gardien sur Wechat. Si tu as des ordures à sortir, tu dois le prévenir. Ils viennent prendre tes rebuts, en disposent à un emplacement différent de celles des autres. Toujours à des fins de précaution. Chaque jour, des volontaires vont vaporiser au désinfectant ta porte et l’endroit où tu as déposé tes déchets! »

L’anecdote de la quatorzaine

Charles a demandé à son médecin sur Wechat comment il pourrait se procurer des pilules antihistaminiques. Il a des allergies au pollen et à l’acarien et même à l’intérieur, Charles avait le nez bouché. Trois toubibs l’ont appelé l’un après l’autre pour vérifier ses symptômes! Finalement, tout le monde est rassuré, rien de dangereux. Le dévoué docteur a fait livrer les produits médicamenteux directement de porte-à-porte.

Pandémie 2020 (crédit photo c.g.) Pandémie 2020 (crédit photo c.g.)

À l’époque où Charles est revenu en Chine, environ 100,000 personnes pouvaient entrer dans ce pays dans différents aéroports. Imaginez-vous la logistique!  De quoi nous faire réfléchir.

Retour au travail

Depuis la mi-mars, il y a un retour progressif sur son lieu de travail et dans les rues de Shanghai. On a séparé son groupe en deux équipes. Une, allant au bureau, les lundis et mercredis. Et l’autre, les mardis et les jeudis, afin de diminuer les risques de contacts.

Depuis le lundi 6 avril 2020, tous les employés sont de retour dans l’édifice à temps complet. Tout le monde porte des masques, ils doivent montrer le code-barres vert de leur téléphone en entrant dans le bâtiment, quelqu’un vérifie leur température et ensuite ils peuvent prendre l’ascenseur avec un maximum de six personnes à la fois. En arrivant à l’étage, ils doivent faire une hygiène des mains avec un gel à l’alcool. On a mis deux mètres de distance entre les bureaux. Un retour à la vie normale très progressif. Une autre chose pour nous faire réfléchir, nous, ici au Canada.

Charles et son chien (crédit photo c.g.)) Charles et son chien (crédit photo c.g.))

Charles a trente ans, il espère revenir un jour au Québec, mais pour le moment il s’estime comme relativement jeune et veut en profiter pour découvrir des cultures différentes, voir de nouveaux pays et apprendre à se connaître lui-même. Aller parfois hors de sa zone de confort pour s’épanouir et considérer la vie d’une autre perspective. Vivre ailleurs, pour lui, est une expérience précieuse.
Je le trouve courageux et il a toute mon admiration de vivre selon ses valeurs malgré la pandémie.
Chose certaine, il se souviendra longtemps de son aventure de 2020.

Un gros merci

Charles tient à dire un gros merci à tous les volontaires de l’avoir soutenu en Chine à travers ce processus assez complexe, de leur gentillesse et de leur dévotion, pour rétablir la situation « à la normale » le plus rapidement possible.

Je tiens à souligner à Charles toute ma gratitude pour sa collaboration et aussi pour toutes ses photos.

Phrenssynnes.

P.S. Oui, les chinois mangent de la soupe à la chauve-souris… mais ce n’est pas une majorité.